Vous avez occupé des postes à responsabilité dans une maison d’édition puis dans un centre de formation. Pourquoi avoir décidé de devenir entrepreneuse en créant une agence de formation ?
Ces postes m’ont beaucoup enseigné. Chacun était d’ailleurs en lien avec le numérique et le e-learning. J’ai aussi appris de mes différents directeurs à bien appréhender les problèmes pour trouver la meilleure solution. Passionnée par la pédagogie, j’avais beaucoup d’idées et une forte envie de les concrétiser. Quand nous travaillons dans une entreprise, nous sommes au service de sa stratégie. Je voulais apporter quelque chose de nouveau, d’utile, d’efficace. Mon projet s’imposait avec de plus en plus de force. Il devenait une évidence. Quand on porte un projet, on a envie de le mener à terme, forcément.
Vous avez créé votre entreprise alors que vous veniez d’accoucher de votre 3e enfant. Compliqué, non ?
Il y a peut-être un lien ! En tout cas, le congé maternité m’a donné le temps de réfléchir et j’ai cherché conseil auprès des organismes d’aide à la création d’entreprise. En fait, créer sa boîte, c’est un projet familial : comment aller au bout sans les encouragements et le soutien de sa famille ? Mon conjoint, salarié lui-même, m’a aidée en croyant fortement à mon projet entrepreneurial et en respectant ma volonté de le réaliser. J’ai expliqué à mes deux plus grandes filles ce que cela signifierait sur le plan de l’organisation. Nous parlons et partageons beaucoup dans notre famille. Sans notre manière d’être ensemble, tout cela aurait été sans doute plus compliqué.
Concrètement, vous avez démarré comment ?
Classiquement, comme la plupart des start up ! Sauf qu’à Paris, peu de gens possèdent un garage … Entre la chambre de nos filles et la nôtre, il y a le salon. C’est là que s’est installée la « team » … nous étions 2 ou 3 en fait, selon les disponibilités des free-lance qui me secondaient ! Au départ, j’ai préféré économiser un loyer pour gagner de la trésorerie. Mais notre appartement est devenu vraiment trop petit et j’ai alors loué des locaux, puis d’autres plus spacieux pour une équipe agrandie. Les choses ont beaucoup bougé en 5 ans !
Pourquoi Nell ? Ce n’est pas votre nom …
(rires) Nous recevons en effet des appels de personnes demandant à parler à Madame Nell ! En fait, quand j’étais enfant, j’étais fan de Jules Verne – affinités nantaises obligent – plus particulièrement de son roman Les Indes noires. Nell était l’héroïne mystérieuse de ce roman, une petite fille qui me fascinait. Le nom m’est revenu et s’est imposé. Je lui trouvais de la douceur, de la simplicité aussi. Appeler mon entreprise Nell, c’était aussi la distinguer des organismes de formation qui me semblaient miser sur une certaine vision de la force, celle de la puissance virile. Je me sens plus proche de la féminité, ce qui est somme toute plutôt normal …
Où est votre force dans ce cas ?
Elle réside bien sûr d’abord dans notre savoir-faire, celui de toute l’équipe de Nell & Associés. La rigueur et l’exigence vont de soi. Et puis j’ai le goût du travail bien fait, quel qu’en soit le secteur. Je veux que les clients de Nell soient satisfaits, c’est aussi simple que cela. Et c’est le cas, nous le vérifions régulièrement. J’attache aussi une importance majeure à la créativité, à la confiance, à la collaboration et à l’humilité. Ce sont presque des critères de recrutement pour moi. D’ailleurs, j’ai choisi de m’entourer de personnes qui ont des formations académiques et des parcours très variés. Nous travaillons dans l’échange et le partage. J’y tiens beaucoup. Nous organisons souvent des micro-réunions à 3 ou 4 pour réfléchir à un nouveau projet. Les idées fusent ! Ce n’est pas une perte de temps. Si chacun a son domaine de compétences, tous ont des idées à partager, un avis éclairant. De la spécialisation, mais pas de cloisonnement chez Nell.
D’où vient votre passion du digital ?
J’ai commencé chez Cryo Interactive, dans les jeux vidéo, puis rejoint l’édition pour élaborer des offres pluri média. Je me souviens d’auteurs et même d’éditeurs très réfractaires au changement. En 2000, il fallait être très diplomate pour travailler dans le digital (rires)… Ma passion, ce n’est pas le digital. C’est plutôt la façon dont chacun peut se former, former les autres, déployer ses compétences dans notre monde, donc ce qui relève de la formation, de la pédagogie, de la transmission. La technologie, ce sont des outils, mais son évolution est telle qu’elle permet de penser autrement la formation, de la renouveler en la rendant plus attractive et plus efficace. Je suis curieuse et ouverte aux idées neuves, c’est comme ça.
On peut donc s’attendre à ce que vous travailliez surtout avec des jeunes ?
Oui. Mais pas seulement. Quand le travail d’un illustrateur me plaît par exemple, qu’il soit sexagénaire ne change rien à mon regard sur son travail ! Ce sont les personnes talentueuses et enthousiastes qui m’intéressent. A 21 ans comme à 60. L’âge ne fait rien à l’affaire…
Comme dans toute start up vos collaborateurs doivent s’adapter à des horaires difficiles, je suppose ?
Non, pourquoi ? Quelle idée ! On n’est pas plus productif parce qu’on reste 12 h au même endroit. Nous avons tous une vie, des activités, une famille pour certains. Bien entendu, lorsqu’un projet demande un coup d’accélérateur, toute l’équipe se mobilise et se serre les coudes pour le délivrer dans les temps… et dans le calme.
Les anagrammes de Nell ont attiré l’attention. L’art est important pour vous ?
Oui, c’est vital ! Après avoir quitté l’école du Louvre pour une école de commerce, j’ai continué à m’intéresser à l’art. Avec mon conjoint, nous avons animé jusqu’à la création de Nell & Associés un blog dédié aux expositions que nous visitions, à nos découvertes artistiques… Et dernièrement, nous avons exposé notre collection à Nantes. Aujourd’hui, l’art est présent sous différentes formes chez Nell : d’abord, au sein de l’équipe de Nell, on retrouve des passionnés de théâtre, de littérature, des acteurs, des photographes… Aux murs de l’agence sont aussi accrochées des œuvres. Dans les anciens locaux de Nell, nous avons accueilli en résidence deux artistes, Matthieu Cossé et Léna Hilton. Pour nos projets, nous travaillons en lien étroit avec des artistes et des galeristes. Les anagrammes de Nell en témoignent. Et nous comptons bien travailler davantage avec les institutions du domaine de l’art.
Est-ce qu’être une femme a rendu plus difficile la création de votre entreprise ?
Non, pas vraiment. Je suis déterminée et je m’entoure de personnes, hommes et femmes, qui adhèrent au projet de Nell et sont prêts à apporter leurs idées et leur enthousiasme. Je n’ai pas eu à me poser cette question, franchement.
Quel conseil donneriez-vous à une femme qui souhaite créer son entreprise ?
Je n’aime pas beaucoup donner de conseils … ça risque de bloquer les élans ! Il existe tellement de façons différentes et originales d’avancer ! Je dirais seulement qu’il faut s’assurer de tenir à son idée, suffisamment pour accepter les contraintes et les responsabilités que suppose la création d’entreprise. Parce que ce n’est pas non plus de tout repos ! Mais quand on aime, on ne compte pas ses heures de travail !