Qu’est-ce qu'un biais cognitif?
Le concept de biais cognitif est apparu dans les années 1970. Daniel Kahneman et Amos Tversky, psychologues, étudiaient alors les prises de décision irrationnelles dans le domaine de l’économie.
Pourquoi certains investisseurs continuent-ils de financer des projets alors même qu’ils les savaient voués à l’échec ? Ces recherches les ont menés sur le terrain des biais cognitifs, un mécanisme de pensée généralement inconscient qui altère le jugement. Véritables distorsions dans le traitement de l’information, ces biais influencent nos choix, d’autant plus quand nous sommes confrontés à une grande quantité de données ou que notre temps de réflexion est restreint. Certains d’entre eux (nous le verrons plus loin dans cet article) remontent à la préhistoire : ils jouaient alors un rôle dans la survie de l’homme au sein de son habitat naturel parfois hostile. On peut donc dire qu’ils sont le fruit de l’évolution et de la sélection naturelle.
Aujourd’hui, dans la vie quotidienne, nous sommes toujours très régulièrement sujets à cette forme de préjugés, et ce n’est en général pas pour nous servir. Tout le monde est concerné, quel que soit le secteur d’activité : médecins, avocats, ou encore hommes politiques peuvent aussi bien tomber dans le piège de leurs propres biais que vous ! Il ne s’agit pas là pour autant d’une forme de malédiction : en portant le souvent possible un regard attentif sur ses propres pensées et en se posant des questions permettant la suspension de son jugement, on peut développer une pensée critique capable de reconnaître ses propres biais, et dans certains cas de les atténuer.
Les différents types de biais cognitifs
Les biais cognitifs ont fait (et font toujours) l’objet de nombreuses études dans différents domaines comme la psychologie cognitive et la psychologie sociale. C’est ce qui a permis leur référencement et leur classement. On en recense 250, catégorisés de la manière suivante :
- Les biais sensori-moteurs (aussi appelés illusions). Notre système visuel analyse mal les informations qui lui parviennent.
- Les biais attentionnels. Notre cerveau traite différemment certaines informations selon nos préoccupations ou centres d’intérêt. Il existe trois types de biais attentionnels différents : le biais de facilitation, où l’orientation de l’attention est facilitée pour un stimulus, le biais d’évitement, où le foyer attentionnel s’oriente vers une position opposée au stimulus, et le biais de désengagement, où l’attention est focalisée sur un stimulus et a des difficultés à s’en désengager.
- Les biais mnésiques. Assez nombreux, ils concernent le traitement des souvenirs : la façon dont ils peuvent être modulés ou tronqués, notamment sous le coup d’états affectifs. En d’autres termes, les émotions que l’on éprouve au moment de se souvenir d’un événement peuvent transformer ce souvenir.
- Les biais de jugement. Ce groupe est celui qui compte le plus de sous-catégories. Parmi les plus courants, on trouve, d’une part, l’appel à la probabilité qui consiste à considérer quelque chose comme vrai parce que cela peut probablement être le cas. On peut aussi citer le biais de confirmation : privilégier les informations qui confirment nos idées préconçues ou nos hypothèses, ou encore le biais d’ancrage : être influencé par sa première impression.
- Les biais de raisonnement. Ces erreurs d’analyse peuvent par exemple nous conduire à préférer les éléments qui confirment plutôt que ceux qui infirment une hypothèse ou encore à considérer des paramètres comme étant représentatifs d’une population.
- Les biais liés à la personnalité. Ceux-ci sont directement liés à l’individualité, à la culture et aux habitudes de la personne. Ainsi, certains individus peuvent être exagérément optimistes tandis que d’autres auront tendance à se conformer à un type culturel donné.
Pourquoi avons-nous des biais cognitifs ?
Certains biais cognitifs, nous l’avons vu, remontent à la préhistoire. À l’époque, ils permettaient à l’homme de survivre au sein de son habitat souvent hostile en améliorant ses capacités d’analyse et de réaction. Notre monde actuel est certes bien différent de celui des hommes des cavernes, mais le tumulte qui le caractérise (tout va vite, tout s’enchaîne) conduit le cerveau, là encore, à utiliser des raccourcis. Celui-ci, par ailleurs, rencontre des difficultés à traiter simultanément un grand nombre d’informations. Les biais cognitifs font alors office de filtre pour lui permettre de se concentrer sur ce qu’il sait ou croit savoir. Et puisque le cerveau est aussi en permanente quête de sens, il utilise les biais pour combler ses lacunes, et ceux-ci deviennent alors le gage d’une certaine sécurité intellectuelle (pas pour autant toujours synonyme de véracité). Enfin, une autre des fonctions des biais cognitifs semble être liée aux limites que rencontre le cerveau et qu’il cherche à dépasser, par exemple en se rappelant en priorité les parties les plus importantes et utiles des informations qu’il traite.
Biais cognitifs et apprentissage
Certains biais cognitifs peuvent avoir un effet négatif sur l’apprentissage. C’est le cas par exemple lorsque deux biais – le biais de halo et biais de confirmation d’hypothèse – se combinent. L’effet de halo décrit la façon qu’a le cerveau de s’arrêter sur une première impression. Le biais de confirmation d’hypothèse, comme nous l’avons vu plus haut, est la tendance à donner du crédit aux éléments qui vont dans le sens de nos croyances. Ainsi, si un apprenant, lors de ses premières heures de cours, est considéré par son formateur de façon négative (première impression), un cercle vicieux débute. Il ressent de l’injustice face à la mauvaise relation qui s’instaure entre eux et fournit de moins en moins d’efforts dans son travail (non pas par caprice mais de manière parfaitement inconsciente). Le formateur, alors, se sentira confirmé dans ses croyances initiales.
Toutefois, certains biais peuvent au contraire être mis au service de l’apprentissage. En faisant preuve l’humour, par exemple, le formateur peut provoquer chez ses apprenants une réaction émotionnelle propice à la mémorisation : c’est effet d’humour. Autre exemple : l’utilisation du biais de désirabilité sociale (la volonté de se présenter sous son meilleur jour pour plaire aux autres membres d’un groupe et, ici, au formateur) peut être à l’origine d’une dynamique vertueuse à laquelle chacun adhèrera pour se conformer au reste du groupe (c’est ce que l’on appelle le biais de conformisme).
Notre websérie sur les biais cognitifs : Complètement biaisés
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